Loup y es tu ?

Mythe ou réalité : il parait que notre planète se réchauffe ?
En tout cas la saison hivernale 2010, 2011 fut  particulièrement clémente pour le département des Hautes-Alpes.
Deux chutes de neige relativement importantes en décembre , puis un rapide redoux ; une triste pluie d’hiver qui eut tôt fait de détremper et de fondre la majorité de la couche.
Janvier malgré un froid plus vif aucun flocon ou si peu.
En février une longue période stable et douce s’installa, si bien qu’à la fin du mois les premières primevères pointaient dans les talus.
Une situation extrêmement  rare dans le Champsaur à 1000 mètres d’altitude !
Bref un temps idéal pour randonner et observer les animaux.
Depuis de nombreuses années j’ai une idée en tête :

Voir un loup !

A une vingtaine de kilomètres au sud de Gap dans la vallée de la Déoule, torrent affluent de la Durance de nombreux évènements depuis plusieurs années attestent la présence d’une meute.
En 2009 plusieurs attaques de troupeaux sur les communes de Sigoyer, Esparron, Chateauneuf d’Oze.
Le 11 décembre un chasseur tue une louve au col de la Beaume à Esparron.
En 2010 de nouveau plusieurs attaques d’avril à octobre.
Enfin le 11 décembre un jeune loup est retrouvé mort au bord de la route, choc avec un véhicule, toujours à Esparron.
S’il y a un endroit où chercher, c’est bien ici !

                                                          massif du Dévoluy vu du col de Pramiérou à Esparron

Dans cette montagne déjà bien méditerranéenne ou seul les ubacs sont véritablement enneigés tout l’hiver la marche est un véritable plaisir et je ne m’en suis pas privé.
J’y suis allé très souvent, une fois sur un versant, rocher st Pierre ou crête de ceüsette, ou bien de l’autre côté vers la montagne de Rochefort et le lac de Peyssier.
J’ai parcouru les sentiers, débusquant au passage sangliers et chevreuils, grimpé les sommets, arpenté les arêtes ou les chamois flemmardent au soleil, vu de nombreuses traces, des crottes fraîches de loup sans jamais en voir un seul !
Eux m’ont sûrement vu mais pas moi !

Puis le printemps vint, lui aussi doux et sec.
Quelque peu las, mais nullement déçu par ma quête infructueuse je cessai toute recherche fin mars.
A partir de la deuxième quinzaine d’avril dans le massif du Dévoluy, je consacrai quelques matinées aux parades nuptiales des petits-tétra, puis dans le même vallon, quelques soirées aux chevreuils qui viennent se repaître de la verdure nouvelle qui leur a manqué tout l’hiver.
Le 10 mai , 17 heures 30, a un moment où  je ne pense plus au loup la chance me souris enfin !
Alors que je suis en train de m’installer à l’affût un mouvement attire mon regard, l’animal passe derrière un arbuste…
Lorsqu’il en sort, pas de doute…
C’est un loup !

                                                                                                   10 mai 2011

Il traverse un pré obliquement et s’éloigne peu à peu, je déclenche une rafale de photos, au bruit il se tourne vers moi,  continue à monter, entre dans le bois de mélèzes et disparaît.
Voilà enfin Canis lupus lupus !
Un de ses derniers bastions européens se situe dans les Apennins, au beau milieu de la péninsule italienne, c’est de là qu’il nous arrive ; les prémices de son retour débutent en 1992 dans le parc National du Mercantour.
Il ne faut pas non plus oublier que le 25 novembre de cette même année un loup mâle de 37 kilos a été tué par un chasseur à Aspres les Corps, petit village du Champsaur, à deux pas des montagnes du Dévoluy.
Depuis cette époque le grand canidé ne cesse de reconquérir son territoire ancien, re-colonisant les Alpes et peu à peu le massif Central et les Pyrénées.
Le premier moment de surprise passé, j’ai tout de suite pensé à cette phrase de Robert Hainard dans son ouvrage sur les mammifères sauvages d’ Europe :

Le loup est une étrange bête qui semble toujours sortir de terre, et c’est peut-être ce qu’il a de plus inquiétant.

L’animal surprend toujours… Il y a six ans j’avais déjà eu l’occasion de l’observer furtivement dans un autre vallon secret du Dévoluy.
Après cette rencontre inattendue la soirée a été particulièrement calme, les chevreuils ont du aller se cacher au plus profond des bois.
A ce sujet je pense que c’est en partie leur réintroduction qui a favorisé le retour du carnassier !
Bien sur je suis retourné sans succès au même endroit plusieurs fois et puis un soir ma persévérance a payé….
6 juin , 20 heures, rien vu rien entendu de toute la soirée, le temps commence a être long… Au dessous de moi à 100 mètres il y a deux ramasseurs de mousserons, avec un chien, il font du bruit, je me dis que c’est foutu pour ce soir !
Le soleil se couche derrière l’Obiou, la lumière baisse…
20 heures 30 , à 50 mètres sur ma gauche léger frôlement, une branche a bougé sous un pin…
Il est là… Tache plus claire sur fond d’herbe, de genévrier et de pin.

                                                                                                    6 juin 2011

tranquillement il fait quelques mètres et s’assoie dans l’herbe haute, tourne la tête, hume l’air en relevant le museau, écoute… A chaque photo il tressaille, cherche, fouille le bois en direction du bruit !
Comment un animal aussi craintif peut-il être dangereux pour l’homme ?
Il a des yeux d’or d’un éclat extraordinaire ! Un regard d’aristocrate  !
J’ai la chance de l’observer pendant près de 4 minutes.
Puis il change d’attitude, se lève d’un bond, et descend sans hâte le petit pré qui le sépare d’un bosquet où il s’enfonce.
Je comprend  très vite, un des ramasseurs de champignons arrive, par un grand détour il va exactement à l’endroit où l’animal se tenait, puis il revient vers moi suivi de son chien, passe à deux mètres, sans me voir !
Pourtant le téléobjectif dépasse au moins de 30 centimètres de mon gîte de branchages…!
Quelle soirée !
Cette deuxième rencontre dépasse de loin toutes mes espérances !
En photographie animalière il y a beaucoup plus de situations d’échec que de réussite, alors je ne boude pas mon bonheur…

A quand la prochaine rencontre ?

Pour moi voir un loup n’est pas une aventure banale, c’est une profonde et pure émotion, véritablement un moment exceptionnel dans une vie de naturaliste et de photographe…!
Voir un loup ranime ces souvenirs primitifs qui sommeillent en nous depuis l’aube de l’humanité, au temps où les animaux dominaient de leur nombre et de leur puissance les quelques humains qui peuplaient leur territoire.
En effet en plus des grands canidés vivait une mosaïque de grands carnassiers, ours, grands félins, sous le couvert de la vaste forêt primaire encore intacte à cette époque.
Cette situation de prépondérance de la grande faune a perduré jusqu’à la fin de la période paléolithique.
Depuis  bien longtemps lions, tigres, hyènes, ours des cavernes ont disparus, les derniers ours  bruns vivent leurs derniers instants… Nos ancêtres chasseurs – cueilleurs sont devenus agriculteurs et éleveurs…!
Le loup grand prédateur par excellence est devenu gibier, l’homme lui a imposé une vie extrêmement difficile, ponctuée de persécutions, de traques et de mises à mort et d’une manière quasiment surnaturelle il a su perpétuer son espèce…
Pour cela il est digne de considération et de respect.
Il est le symbole d’une nature libre et insoumise.

                                                                                                paysage Dévoluy ouest

Aurons-nous l’honnêteté d’envisager à son égard une cohabitation sans haine ni violence excessive afin qu’il puisse occuper la place qu’il mérite au sein de l’immense communauté biologique de notre planète ?

Saint Bonnet juillet 2011

Épilogue :

 

                                                                                                  18 aout 2011

 

 

                                                                                             1 octobre 2011
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